Communiqué de Presse -Le rapport d’enquête des Nations Unies porte à 207 le nombre de personnes exécutées par le gang de Wharf Jérémie
Port-au-Prince, 23 décembre 2024
Un peu plus de deux semaines après le début d’une vague de crimes commis par le gang de Wharf Jérémie, dans la commune de Port-au-Prince, le Bureau intégré des Nations Unies (BINUH) en Haïti et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme (HCDH) publient aujourd’hui leur rapport d’enquête.
Entre le 6 et 11 décembre 2024, plus de 207 personnes (134 hommes et 73 femmes) ont été exécutées, dont la majorité était des personnes âgées accusées de pratiquer le vaudou et d’avoir causé la maladie de l’enfant du chef de gang. Parmi les autres victimes, figurent des personnes qui ont tenté de fuir la zone par peur des représailles, ou qui ont été soupçonnées d’avoir divulgué des informations sur ces crimes aux médias locaux.
Le travail du BINUH et d’HCDH a permis d’établir que les victimes résidaient dans cinq zones distinctes à travers le quartier de Wharf Jérémie et qu’elles ont été tuées sur une période de six jours.
Traquées à leur domicile et dans un lieu de culte, elles ont été emmenées dans le fief du gang où elles ont été tenues en captivité et interrogées, à l’intérieur d’un prétendu « centre de formation ». Elles ont ensuite été conduites vers un site d’exécution se trouvant à proximité, avant d’être abattues ou tuées avec des machettes. Le gang a tenté d’effacer toute preuve en brûlant les corps, ou en les démembrant, pour ensuite les jeter à la mer.
María Isabel Salvador, la Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies en Haïti, souligne que ces crimes touchent au fondement même de la société haïtienne, en ciblant les populations les plus vulnérables.
« Nous ne pouvons pas faire comme si de rien n’était. J’appelle la justice haïtienne à mener une enquête approfondie sur ces crimes horribles et à arrêter et punir leurs auteurs, ainsi que les individus qui les appuient. J’appelle aussi les autorités à installer le plus rapidement possible un pôle judicaire spécialisé pour traiter ce type de crime ».
Depuis longtemps, ni les forces de police, ni les autorités judiciaires, ne sont intervenues à Wharf Jérémie. Les exactions commises par les membres de gangs y restent généralement impunies. Le 12 décembre, le Premier ministre a néanmoins instruit le ministre de la Justice et de la sécurité publique, et le chef de la police judiciaire, de déployer toutes les ressources nécessaires pour appréhender les auteurs de ces crimes.
Depuis 2022, le gang du Wharf Jérémie affronte des gangs rivaux pour le contrôle des routes menant au principal port de la capitale et son terminal de conteneurs. En outre, le chef de ce gang imposerait des « taxes » au consortium gérant le port, notamment pour la sortie des conteneurs, ainsi qu’aux entreprises de transport routier acheminant des marchandises depuis le port. Il s’est aussi positionné comme un intermédiaire clé auprès des acteurs nationaux et internationaux cherchant à accéder aux populations locales vivant à Wharf Jérémie.
Les crimes documentés à Wharf Jérémie, surviennent dans un contexte alarmant de violence et de violations et d’abus des droits de l’homme en Haïti, impliquant à la fois des gangs criminels, des groupes d’autodéfense, ainsi que des membres non organisés de la population. Des sources crédibles indiquent également l’implication des unités spécialisées de la Police Nationale d’Haïti (PNH).
Depuis le début de l’année 2024, le BINUH et le HCDH ont recensé plus de 5 350 personnes tuées et plus de 2 155 autres blessées, comme conséquence directe de ces actes de violence. Cela porte le total des morts et des blessés à plus de 17 000 depuis 2022.
Comme l’a souligné le Haut-Commissaire aux droits de l’homme Volker Türk, il est urgent que les autorités haïtiennes prennent des mesures robustes pour renforcer la police et les autres institutions étatiques paralysées par la corruption et l’impunité. La communauté internationale doit également mettre en œuvre l’embargo ciblé sur les armes, l’interdiction de voyager et le gel des avoirs imposés par le Conseil de sécurité des Nations Unies, afin d’endiguer la violence des gangs en Haïti.
Contact: Mathias Gillmann, Porte-parole du BINUH, gillmann@un.org